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Méditation personnelle

25 Juillet 2015

Depuis la parution de mon roman « la marionnette, » j’ai rencontré quantité de personnes qui ont été de près ou de loin confrontées aux manipulateurs. Ces rencontres m’ont permis d’approfondir le sujet et de tenter de trouver des « points-clés » qui seraient utiles aux victimes. Voici le fruit de ma réflexion concernant la manipulation dans le couple.

Les victimes que je rencontre ont un trait d’humeur commun : elles sont toutes à la base des personnes pleines de vie. Leur tourmenteur les vide de leur énergie comme un vampire aspirerait le sang de sa proie.

En approfondissant un peu, on retrouve chez elles une volonté de réparation : elles aiment aider leur prochain et souvent elles le font sans filet de sécurité, ce qui explique pourquoi elles tombent dans le piège de la manipulation. Sans doute ignorent-elles le signal de survie qui s’allume lorsque nous croisons un danger. Reste à se demander pourquoi. Cette vulnérabilité particulière proviendrait-elle d’une blessure intime qui n’est pas refermée ?

Si cela est le cas, cela expliquerait pourquoi elles attirent les manipulateurs et demeurent sourdes à toutes les mises en garde. Il faut qu’elles « fassent la paix » avec elles-mêmes, ce qui est long et difficile.

Imaginons une personne dans le désert qui voit au loin un oasis. Nous l’appellerons Zoé. Zoé a soif et désire rallier l’oasis mais pour cela elle doit marcher dans le sable. Un sable dans lequel il y a des serpents venimeux. Elle ne les voit pas mais elle les imagine. Zoé n’a pas confiance dans ses chaussures et doute qu’elles la protègeront contre les serpents car depuis son enfance, les reptiles lui paraissent invincibles. Zoé soupire et préfère boire l’eau de sa gourde, même si elle sait que tôt ou tard il n’y en aura plus et qu’elle est promise à une mort certaine.

Maintenant, transposons :

L’oasis est la vie normale, débarrassée du manipulateur

Le serpent est l’ensemble de nos peurs, rationnelles et irrationnelles, dangereuses lorsqu’elles ne sont pas maîtrisées, empoisonnant nos vies et paralysant nos actions.

Les chaussures sont nos ressources personnelles, notre capacité à rebondir, il faut leur faire confiance et trouver si besoin des cordonniers bienveillants pour les consolider.

L’eau de la gourde est frelatée. C’est la vie que propose le manipulateur : une vie à sa merci, avec son lot de petits plaisirs délivrés avec parcimonie et ses souffrances paralysantes. Une vie qui a les limites étroites de la gourde, une réserve insuffisante pour s’épanouir et subsister.

Le sable est le long chemin à parcourir pour ne pas mourir de toutes les frustrations imposées par le manipulateur. C’est une route exténuante qui ne saurait être parcourue sans mains tendues pour enjamber les serpents et sans cordonniers pour réparer les chaussures.

C’est un itinéraire personnel et très long. Il faut accepter de s’être trompé, accepter de se mettre en route, accepter d’analyser les raisons des demi-tours, accepter de repartir, continuer de désirer rejoindre l’oasis, refuser de se contenter de l’eau de la gourde.

Accepter, désirer, refuser, des verbes par lesquels l’on décide de se mettre en route.

Zoé, je l’ai rencontrée. En ce moment elle traverse le désert, la soif au ventre et les pieds tremblant dans ses chaussures. Cette Zoé-là est chère à mon cœur et si cela pouvait l’aider, j’accompagnerais sa route en l’abreuvant de mes larmes. Des larmes de joie, bien sûr, à l’idée qu’elle a lâché sa gourde altérée du venin qu’un sale type y a versé.

Elle progresse, petite et menue, à pas mesurés. Je retiens mon souffle à l’idée qu’elle pourrait se retourner et confondre la gourde avec l’oasis mais j’évite de la bousculer de peur qu’elle se prenne les pieds dans son nœud de serpents et fasse demi-tour dans la panique.

Toutes les Zoé font des volte-face, ralliant le piège comme d’autres se réfugieraient dans un terrier. Cela fait partie du problème et c’est si déroutant pour celui qui tente de les aider.

Alors, depuis l’oasis, je lance des fusées de feu d’artifice. Je les choisis avec soin pour éclairer sa route pendant qu’elle marche dans la nuit du doute et de l’épuisement. La fusée jaune est la lumière de mon affection, la bleue une promesse de ciel d’été. Je me prends à l’imaginer en train de lever la tête et de sourire un court instant avant de reprendre sa route solitaire.

Chemine ma Zoé, en dépit des serpents et malgré les cailloux qui te font trébucher. Tes chaussures ont le cuir de ta force de caractère. Elles protègent tes pieds bien mieux que tu ne l’imagines.

Avis à toutes les Zoé : J’ai confiance en vous et en la vie dont vous portez le nom.

Catherine ARMESSEN, auteur de "la marionnette", éditions feuillages

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