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Harcèlement moral : le salarié n'est pas tenu d'informer l'employeur s'il porte plainte

28 Décembre 2019

Harcèlement moral : le salarié n'est pas tenu d'informer l'employeur s'il porte plainte
 

La Cour de cassation affirme que le salarié qui dépose plainte pour harcèlement moral contre l'un de ses collègues de travail ou un supérieur hiérarchique n'est pas tenu d'en informer son employeur. Un licenciement prononcé pour ce motif serait frappé de nullité.

Dans cette affaire, une femme de chambre avait déposé plainte pour harcèlement moral à l'encontre de sa supérieure hiérarchique. L'employeur en ayant eu connaissance avait décidé de la licencier, considérant qu'elle aurait dû le prévenir de sa volonté de porter plainte. La salariée considérait que son licenciement était nul car discriminatoire dans la mesure où aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des faits de harcèlement moral. La cour d'appel donnait tort à la salariée estimant que le licenciement n'était pas motivé par la plainte déposée mais par le fait qu'elle n'avait pas informé son employeur, avant de déposer plainte, des faits de harcèlement qu'elle entendait dénoncer.

La chambre sociale casse l'arrêt d'appel considérant que la salariée voulant porter plainte pour harcèlement moral n'est en aucun cas tenue d'en informer son employeur.

Références
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 2 novembre 2016
N° de pourvoi: 15-20916

Non publié au bulletin Cassation

Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
 
 
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon le second, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er octobre par la société Hôtel Le Collet, en qualité de femme de chambre et responsable d'étage, a déposé plainte le 13 décembre 2010 pour harcèlement moral à l'encontre de sa responsable hiérarchique ; qu'elle a été licenciée le 18 octobre 2011 ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en nullité du licenciement et dire que ce licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que s'il est postérieur à la plainte déposée par la salariée pour harcèlement moral et l'audition du gérant de l'hôtel par les services de gendarmerie, le licenciement n'est pas motivé par cette plainte elle-même, mais par le fait que la salariée, avant de se rendre à la gendarmerie n'a pas informé son employeur des faits de harcèlement qu'elle prétendait subir de la part d'une autre salariée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié qui dépose plainte pour harcèlement moral n'est pas tenu d'en informer préalablement l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne la société Hôtel Le Collet aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hôtel Le Collet à payer à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille seize.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR rejeté la demande de Mme X... tendant à voir constater la nullité de son licenciement et de l'avoir, en conséquence, déboutée de sa demande tendant à la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 21 223,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la validité du licenciement, la salariée soutient que son licenciement est nul dans la mesure où il est essentiellement fondé sur la plainte pour harcèlement moral qu'elle a déposée auprès des services de gendarmerie, le 22 janvier 2011 ; elle rappelle sur ce point les dispositions des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail selon lesquelles aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral. La lettre de licenciement du 18 octobre 2011 était ainsi rédigée : ".../... Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants : Le 3 octobre 2011, lors de votre prise de fonction, je vous ai fait part de la convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement que je vous avais adressée le 9 septembre 2011, ce courrier m'étant revenu avec la mention « non réclamé ». Cet entretien faisait suite à ma convocation à la gendarmerie de Corcieux suite à un dépôt de plainte de votre pari à l'encontre d'une salariée de l'entreprise. N'ayant pas été informé ni du conflit existant entre vous, ni de votre démarche auprès des services de gendarmerie, j'estime ce comportement fautif.../... " ; l''examen de ces motifs permet de se convaincre que si le licenciement est postérieur à la plainte déposée par la salariée pour harcèlement moral et à l'audition de M. Olivier Y..., gérant de l'hôtel Le Collet, par les services de gendarmerie, il n'est en revanche pas fondé sur cette plainte elle-même, mais sur le fait que Mme X..., avant de se rendre à la gendarmerie, n'a pas informé son employeur des faits de harcèlement qu'elle prétendait subir de la part d'une autre salariée ; à cet égard, la partie appelante rappelle à juste titre dans ses conclusions que l'employeur a un intérêt particulier à être informé des faits de harcèlement moral susceptibles d'être commis dans son entreprise dans la mesure où il est débiteur envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise, l'absence de faute de sa part n'étant pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ; le jugement mérite donc d'être confirmé en ce qu'il a constaté que le licenciement ne reposait pas sur la dénonciation par la salariée auprès des enquêteurs des faits de harcèlement moral qu'elle prétendait subir au sein de l'entreprise, et rejeté le moyen tiré de la nullité du licenciement ; (sur) le bien-fondé du licenciement, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge apprécie si les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction ; le premier grief adressé à la salariée dans les termes précédemment rappelés consiste dans le fait par Mme X... d'avoir dénoncé aux services de gendarmerie des faits de harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part d'une autre salariée sans en avoir préalablement informé son employeur ; l'intimée se défend d'avoir commis un quelconque manquement dans la mesure où l'article 1152-2 du code du travail ne précise à aucun moment que le salarié qui, s'estimant victime de faits de harcèlement moral, dépose plainte contre l'un de ses collègues ou contre son employeur lui-même soit tenu d'avertir ce dernier ; toutefois, l'article L.4131-1 du code du travail dispose : "Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation .../...". Selon l'article 1152-4 du code du travail, "l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. ". ;il en résulte que l'employeur, dès qu'il a connaissance de faits susceptibles d'être constitutifs de harcèlement moral dans son entreprise, se doit, eu égard à l'obligation de sécurité de résultat dont il est débiteur en matière de protection de la santé, de prendre des mesures telles que mise en oeuvre d'une enquête, mise à pied conservatoire à l'égard du salarié soupçonné d'avoir un comportement préjudiciable à la santé d'un ou plusieurs autres salariés ; qu'il engage sa responsabilité s'il n'anticipe pas les risques en vue de prévenir leur réalisation ; les procès-verbaux de gendarmerie versés aux débats révèlent que, le 13 décembre 2010, Mme X... a déposé plainte auprès du procureur de la République d'Epinal pour harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part de Mme Véronique Z..., son supérieur hiérarchique ; lors de son audition par les services de gendarmerie, le 22 janvier 2011, elle a dénoncé les brimades et prémices de violences physiques devant témoins dont elle était l'objet de la part de Mme Z..., précisant qu'elle avait été en arrêt de travail pour dépression du 23 janvier au 28 février 2010 ; que Mme Z... a été entendue sur ces faits le 4 juin 2011, et M. Oliver Y..., gérant de la société Hôtel Le Collet, le 8 août suivant; Si M. Y... a indiqué au cours de son audition que Mme X... avait des relations tendues avec Mme Z..., son ex-épouse et salariée dans l'entreprise qu'il dirige, en revanche, il ne résulte d'aucune pièce qu'il ait été informé avant le 8 août 2011 des faits de harcèlement moral pour lesquels Mme X... avait déposé plainte le 13 décembre précédent ; ainsi, alors que la salariée était tenue d'alerter immédiatement son employeur de la situation de harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part d'une autre salariée, le grief tiré du manquement de Mme X... à cette obligation et de l'impossibilité où s'est trouvé l'employeur d'agir en conséquence doit être considéré comme établi.

AUX MOTIFS ADOPTES QUE, Sur la nullité de licenciement : la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; Mme X... est licenciée, entre autre, pour ne pas avoir prévenu son gérant qu'elle avait porté plainte contre une salariée (par ailleurs mère des enfants de son gérant) et non pour avoir porté plainte ; en conséquence, le bureau de jugement déboute Mme X... de sa demande de nullité de licenciement.

ALORS, QU'est nul le licenciement prononcé au motif que le salarié s'est plaint de harcèlement moral, sauf mauvaise foi ; que pour débouter Mme X... de sa demande de nullité de son licenciement, les juges du fond qui ont constaté que le licenciement avait été prononcé en raison de la plainte déposée par la salariée pour harcèlement sans informer l'employeur, ce dont il résultait que cette plainte était la cause du licenciement n'ont pas tiré de leurs constatations les conséquences qui s'en inféraient et ont violé les articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail.

ALORS au demeurant QU'en affirmant que le licenciement n'était pas fondé sur la plainte elle-même, mais sur le fait que Mme X... n'avait pas informé préalablement son employeur des faits de harcèlement subis de la part d'une autre salariée et en scindant ainsi le grief, alors qu'elle a elle-même relevé que le grief reproché à Mme X... était d'avoir dénoncé les faits à la gendarmerie, sans en avoir préalablement informé son employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et violé à nouveau les articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail.

ALORS, en tout cas QUE; que le salarié qui, sauf abus, jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression, n'a pas à informer l'employeur du harcèlement dont il se prétend victime avant de porter plainte ; qu'en affirmant que le salarié était tenu de dénoncer les faits de harcèlement à son employeur, et fautif de ne l'avoir pas fait avant de déposer plainte, la cour d'appel a violé les articles L.4131-1 L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail, ensemble l'article L.1121-1 du même code

ET ALORS, en tout cas QUE l'employeur manque à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral, exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ; que pour débouter Mme X... de sa demande de nullité de son licenciement, les juges du fond ont ajouté que l'employeur a un intérêt particulier à être informé des faits de harcèlement moral susceptibles d'être commis dans son entreprise dans la mesure où il est débiteur envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat ; qu'en statuant ainsi, alors que même s'il avait été informé et pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements, l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité de résultat du seul fait que Mme X... ait été victime de tels agissements, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que le licenciement de Mme X... n'était pas dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir ainsi déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif d'un montant de 21 223,80 euros.

AUX MOTIFS QUE, sur le bien-fondé du licenciement, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge apprécie si les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction ; le premier grief adressé à la salariée dans les termes précédemment rappelés consiste dans le fait par Mme X... d'avoir dénoncé aux services de gendarmerie des faits de harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part d'une autre salariée sans en avoir préalablement informé son employeur. L'intimée se défend d'avoir commis un quelconque manquement dans la mesure où l'article 1152-2 du code du travail ne précise à aucun moment que le salarié qui, s'estimant victime de faits de harcèlement moral, dépose plainte contre l'un de ses collègues ou contre son employeur lui-même soit tenu d'avertir ce dernier ; toutefois, l'article L.4131-1 du code du travail dispose : "Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable dépenser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation .../..." ; selon l'article 1152-4 du code du travail, "l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral." II en résulte que l'employeur, dès qu'il a connaissance de faits susceptibles d'être constitutifs de harcèlement moral dans son entreprise, se doit, eu égard à l'obligation de sécurité de résultat dont il est débiteur en matière de protection de la santé, de prendre des mesures telles que mise en oeuvre d'une enquête, mise à pied conservatoire à l'égard du salarié soupçonné d'avoir un comportement préjudiciable à la santé d'un ou plusieurs autres salariés ; qu'il engage sa responsabilité s'il n'anticipe pas les risques en vue de prévenir leur réalisation. Les procès-verbaux de gendarmerie versés aux débats révèlent que, le 13 décembre 2010, Mme X... a déposé plainte auprès du procureur de la République d'Epinal pour harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part de Mme Véronique Z..., son supérieur hiérarchique ; que lors de son audition par les services de gendarmerie, le 22 janvier 2011, elle a dénoncé les brimades et prémices de violences physiques devant témoins dont elle était l'objet de la part de Mme Z..., précisant qu'elle avait été en arrêt de travail pour dépression du 23 janvier au 28 février 2010 ; que Mme Z... a été entendue sur ces faits le 4 juin 2011, et M. Oliver Y..., gérant de la société Hôtel Le Collet, le 8 août suivant; si M. Y... a indiqué au cours de son audition que Mme X... avait des relations tendues avec Mme Z..., son ex-épouse et salariée dans l'entreprise qu'il dirige, en revanche, il ne résulte d'aucune pièce qu'il ait été informé avant le 8 août 2011 des faits de harcèlement moral pour lesquels Mme X... avait déposé plainte le 13 décembre précédent ;ainsi, alors que la salariée était tenue d'alerter immédiatement son employeur de la situation de harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part d'une autre salariée, le grief tiré du manquement de Mme X... à cette obligation et de l'impossibilité où s'est trouvé l'employeur d'agir en conséquence doit être considéré comme établi ; dans sa lettre de licenciement du 18 octobre 2011, l'employeur poursuivait ainsi : ".../... A peine vous avais-je fait part de cet envoi que vous m'avez pris à partie, m'agressant verbalement et insultant vos collègues de travail.../... ". Vous avez ensuite, malgré mon invitation à retrouver votre calme et reprendre votre travail normalement, quitté brutalement ce dernier sans avoir éteint la sécheuse-repasseuse que vous aviez mise en marche, ce qui, vous ne l'ignorez pas, est particulièrement dangereux, pouvant conduire à un incendie. Compte tenu de votre attitude apaisée lors de l'entretien préalable, je renonce à invoquer la faute grave et considère que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. En conséquence, la période de mise à pied conservatoire vous sera payée. Votre préavis, d'une durée d'un mois, débutera à la première présentation de la présente lettre. Nous avons décidé de vous dispenser de l'exécution de votre préavis qui vous sera toutefois payé.../... " ; Mme Cyrielle A..., chef de rang, atteste que le jour de sa convocation dans le bureau de M. Y..., Mme X... est partie comme une furie, sans effectuer de préavis, en laissant la machine à repasser allumée à plein régime ; qu'en effet, en descendant au sous-sol pour chercher du linge, elle a senti une odeur de chaud et est allée chercher quelqu'un pour éteindre la machine ; Mme Vanessa B..., employée polyvalente indique que le jour de son départ, Mme X... a laissé la repasseuse au maximum et sans surveillance, ce qui a provoqué une odeur de brûlé ainsi que de la fumée ; M. Nolwenn C..., serveur, expose avoir été témoin de l'entretien qui s'est déroulé le 3 octobre 2011 entre M. Y... et Mme X..., entretien mouvementé au cours duquel celle-ci a proféré des insultes à l'encontre de Mme Z... et de son employeur ainsi que des menaces à l'adresse de ce dernier ("fermez votre gueule, je ne partirai jamais, je vais vous couler et faire couler votre boîte ") ;il précise que Mme X... "a également tenté d'arracher des mains de M. Y... la lettre recommandée fermée et refusé la copie de celle-ci que M. Y... lui tendait calmement. " ;il ajoute qu'elle a quitté l'entretien, et qu'ensuite il ne l'a plus revue ; il résulte de ces témoignages précis et concordants qu'à l'issue de l'entretien du 3 octobre 2011, Mme X... a quitté l'entreprise de manière précipitée après avoir agressé verbalement son employeur et proféré des insultes à l'adresse de Mme Z..., sans se préoccuper de la repasseuse qu'elle avait laissée sous tension ; en conséquence, les griefs énoncés dans la lettre du 18 octobre 2011 étant établis et revêtant une gravité certaine, le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ; sur les conséquences financières, le licenciement de Mme X... reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera aussi infirmé en ce qu'il lui a alloué en conséquence une somme de 12.000 € à titre de dommages-intérêts.

ALORS, D'UNE PART, QUE, le salarié n'a pas l'obligation d'alerter son employeur d'agissements de harcèlement dont il se prétend victime de la part d'autre salarié avant de porter plainte contre ces agissements pénalement répréhensibles ; que pour débouter Mme X... de sa demande subsidiaire visant à faire constater que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que la salariée était tenue d'alerter immédiatement son employeur de la situation de harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part d'une autre salariée, le grief tiré du manquement de Mme X... à cette obligation et de l'impossibilité où s'est trouvé l'employeur d'agir en conséquence doit être considéré comme établi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail, ensemble l'article L.1121-1 du même code.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, Mme X... soutenait que les propos tenus et, de façon plus générale l'attitude adoptée lors de l'entretien s'expliquaient par sa réaction émotionnelle d'indignation à l'annonce qui lui était faite de son licenciement pour un grief non fondé et même illicite (plainte pour harcèlement moral sans en avoir informé préalablement l'employeur) en sorte qu'ils ne pouvaient lui être imputés à faute ; que la cour d'appel qui a constaté qu'il résulte des témoignages précis et concordants qu'à l'issue de l'entretien du 3 octobre 2011, Mme X... a quitté l'entreprise de manière précipitée après avoir agressé verbalement son employeur et proféré des insultes à l'adresse de Mme Z..., sans se préoccuper de la repasseuse qu'elle avait laissé sous tension, mais ne s'est pas expliquée sur ce motif déterminant n'a pas répondu aux conclusions de Mme X... et violé l'article 455 du code de procédure civile .

ALORS, EN OUTRE, QUE, Mme X... soutenait qu'il ne saurait y avoir abandon de poste puisque c'est l'employeur qui lui avait demandé de quitter immédiatement l'établissement et qui l'avait dispensée d' exécuter son préavis ; que pour juger que le licenciement de Mme X... reposait sur une faute sérieuse, la cour d'appel a notamment affirmé qu'il résulte des témoignages précis et concordants qu'à l'issue de l'entretien du 3 octobre 2011, Mme X... a quitté l'entreprise de manière précipitée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce départ n'avait pas été commandé et contraint par l'employeur, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de Mme X... et encore violé l'article 455 du code de procédure civile.

 

ECLI:FR:CCASS:2016:SO02003
Analyse

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy , du 5 septembre 2014

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